La douane tunisienne a beau multiplier les performances, elle n’est pas au-dessus de tout reproche. Certes, la perfection est difficile à atteindre, mais que de choses positives à mettre à son actif et d’autres à revoir inévitablement.
Qu’on se le dise, la douane tunisienne multiplie les saisies et est efficace sur le terrain. Grâce à des atouts majeurs comme l’excellente formation, le courage et le sens de la responsabilité.
Financièrement ensuite, à travers les recettes en constante progression, émanant des saisies qui alimentent les caisses de l’Etat, et, par voie de conséquence, l’économie nationale.
Sur le plan sécuritaire, les coups de filet que ne cessent de réaliser les douaniers en terre et en mer ont porté des coups durs aux trafiquants et contrebandiers tant tunisiens qu’étrangers dont le nombre a considérablement baissé.
Pour ce qui est de l’année 2023, les recettes estimées caracolent à 1445 millions de dinars et de fabuleuses saisies, de toutes sortes dont notamment des véhicules utilisés par les contrebandiers et d’importantes saisies de stupéfiants. Cette fois, on prendra pour référence le nouveau bilan, allant du 1er août dernier au 20 septembre. Ainsi, en un peu moins de 60 jours, les saisies en nombre et en valeur ont-elles évolué de 21%, comparativement à la même période un an auparavant. Les descentes les plus remarquables ont été opérées à Tataouine, Skhira, Gafsa, Médenine, Sfax et le Grand Tunis.
Une administration pas encore suffisamment informatisée
Pour un chef de brigade douanière qui a souhaité garder l’anonymat, «l’accumulation des performances est due essentiellement à la conscience professionnelle des agents et à l’excellente méthode d’anticipation, malgré les conditions de travail très difficiles». Et d’ajouter: «Ceux qui nous critiquent ne savent pas que nous travaillons sur un véritable champ miné, là-bas dans les confins des frontières, avec tous les risques qui nous menacent à chaque instant».
En face, les avis divergent, et pour cause, la douane n’est pas au-dessus de tout reproche. «Moi, je passe une partie de mon congé estival en Tunisie, à faire la navette entre mon domicile et les services de la douane pour accomplir de simples formalités», dénonce le TRE Hakim Razgallah qui s’insurge contre ce qu’il a appelé «les dérives sans fin d’une administration pas encore suffisamment informatisée».
De surcroît, de plus en plus de voix, a-t-on constaté, font état de «la résistance du phénomène de la corruption».
Pour l’expert en finances, Salem Ben Tahar, «c’est un faux problème, car, dans ma conviction, la corruption est une vieille pratique devenue, avec le temps, indéboulonnable tant en Tunisie que dans le monde entier. Donc, je crois que vouloir lutter contre ce phénomène revient à vider un océan à l’aide d’une petite cuillère». Que faire alors ? «Tout simplement accepter le fait accompli», répond calmement M. Ben Tahar qui estime qu’«au lieu de rêver, soyons réalistes et optons pour la digitalisation massive des services administratifs, financiers et frontaliers de la douane et le durcissement des peines infligées à tout agent ou cadre dont la culpabilité a été légalement établie. Sinon, on ne sortira pas de l’auberge».
Le fonctionnement des différents services régionaux dans le viseur
«Ce sont des critiques infondées», réagit une source de la direction générale de la douane, qui insiste sur le fait qu’ils ne badinent pas avec la discipline et la loi, en soulignant l’inexistence de cas avérés de corruption, grâce à la conjugaison des efforts de plusieurs parties et des campagnes de sensibilisation et de responsabilisation au profit des agents et de leurs supérieurs.
Dans le même contexte, notre source indique : «Outre les fréquentes visites inopinées effectuées par le directeur général de la douane à travers les régions pour superviser les opérations de terrain et le fonctionnement des différents services régionaux, on a augmenté le nombre de formateurs en matière de système harmonisé, renforcé l’unité de contrôle et de gestion des conteneurs et intensifié, en partenariat avec l’Organisation mondiale de la douane, les journées de formation dans les domaines de la gouvernance, des ressources humaines et de la lutte contre la corruption».
A cela, s’ajoute un solide partenariat avec l’OIM (Organisation internationale de la migration) et l’Onudc (Organisation onusienne chargée de la lutte contre la drogue et le crime) dans le cadre de la promotion de la gouvernance frontalière inclusive et de la consolidation de la résilience des populations. «Bref, on fait tout pour aller de l’avant», rassure notre interlocuteur.
Plusieurs sites et applications pour guider les citoyens
Ceci n’empêche que d’autres critiques visent ce corps. Et cela va de la hausse des taxes et droits à l’importation (y compris pour les TRE obligés de payer en devises étrangères), au nombre réduit des guichets uniques qui ne sont opérationnels qu’à Tunis, Sousse et Sfax, en passant par la grogne des agents temporaires, les difficultés d’importation des véhicules pour les handicapés, la disparition mystérieuse de marchandises saisies, les abus de certains intermédiaires en douane et les problèmes de régularisation des véhicules importés, sous les régimes RS et FCR.
Pour se dédouaner, et sans confirmer ni infirmer ces carences, notre interlocuteur préfère dédramatiser, en précisant : «Nous sommes constamment à l’écoute des citoyens au service desquels nous avons déjà mis en ligne plusieurs sites et applications pour les orienter, recevoir leurs plaintes et tenter de satisfaire leurs demandes en toute transparence et conformément à la loi. Bien évidemment, nous ne prétendons pas avoir atteint la perfection, mais il est certain que les choses vont en s’améliorant davantage».